Aller au contenu

Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/460

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

serie, clouée par Bault contre le mur, la défendait un peu contre l’humidité. Bault se chargeait de transmettre à Fouquier la demande d’une couverture de laine : « Tu mériterais d’être envoyé à la guillotine ! » était la réponse de Fouquier. Mais l’industrie de Bault remplaçait la couverture par un matelas de la plus fine laine ; et Bault mettait bientôt la Reine à l’abri de la fumée, des rires et des jurons des gendarmes. Prétextant sa responsabilité, Bault mettait dans sa poche la clef de sa chambre, et renvoyait les deux gendarmes à la porte extérieure[1].

La Reine eut l’idée de léguer un dernier souvenir à ses enfants. Elle n’avait pas d’aiguille ; mais une mère peut ce qu’elle veut : arrachant quelques fils à la tapisserie du mur, elle tressa, avec deux cure-dents, une espèce de jarretière ; et quand Bault entra, elle la laissa glisser à terre. Bault la ramassa : il avait compris[2].

Autour de la Conciergerie les cris de mort allaient croissant. Les vœux des clubs, des sections, des municipalités, des départements, assaillaient et harcelaient chaque jour le Comité du Salut public, honteux d’être encouragé à répandre le sang. Du camp de Belehema, le représentant Garrau, en mission à l’armée des Pyrénées occidentales, mandait à la Convention son indignation de voir Marie-Antoinette vivre encore ; et à propos d’une sem-

  1. Récit exact, par la dame Bault.
  2. Ibid.