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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/501

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injure, saluant d’ordures cette Reine qui va mourir. Elle pourtant, sereine et majestueuse[1], pardonnait aux injures en ne les entendant pas.

La charrette enfin repart, accompagnée de clameurs qui courent devant elle. La reine n’a pas encore parlé au curé Girard ; de temps à autre seulement elle lui indique, d’un mouvement, qu’elle souffre des nœuds de corde qui la serrent ; et Girard, pour la soulager, appuie la main sur son bras gauche. Au passage des Jacobins, la Reine se penche vers lui et semble l’interroger sur l’écriteau de la porte, qu’elle a mal lu : Atelier d’armes républicaines pour foudroyer les tyrans. Pour réponse, Girard élève un petit christ d’ivoire. Au même instant, le comédien Crammont, qui caracole autour de la charrette, se dressant sur ses étriers, lève son épée, la brandit, et, se retournant vers la Reine, crie au peuple : « La voilà, l’infâme Antoinette !… Elle est f…, mes amis… ! [2] »

Il était midi. La guillotine et le peuple s’impatientaient d’attendre, quand la charrette arriva sur la place de la Révolution. La veuve de Louis XVI descendit pour mourir où était mort son mari. La mère

  1. Il existe de David un croquis de Marie-Antoinette sur la charrette. Je crains que dans ce croquis le peintre révolutionnaire n’ait un peu mis de sa passion, n’ait caricaturé la Reine en son chemin de la croix. Un triste détail, la Reine, qui avait eu de tout temps la vue très-basse et très-délicate, semble, d’après des dépositions authentiques, avoir perdu un œil par suite de l’humidité de son cachot de la Conciergerie.
  2. Récit du Vte Charles Desfossez.