Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/102

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occupée pour la bonne à caresser sa petite fille, elle fait monter vers moi des regards de flamme.

 

L’œil d’une femme, de n’importe quelle femme, toujours guettant le vôtre, toujours accroché à votre fenêtre, à la longue, a l’attirance d’un aimant, magnétique. Et c’est une persécution que ce regard… Je le rencontre toute la journée, je le rencontre toute la soirée, je le rencontre à l’heure de la toilette de minuit, derrière les rideaux, qu’une forme blanche écarte de temps en temps, pour s’assurer si ma lampe est encore allumée.

Un œil qui ne se décourage pas, est, décidément, irrésistible. Je me mets à prendre l’habitude de fumer à la fenêtre, l’œil, chaque jour, prenant un rinforzando… Et le regard devient, tour à tour, un regard suppliant de désir, un regard fauve, un regard violateur dont je suis le pôle. Enfin, je finis par vouloir d’une femme dont je n’ai pas envie.

 

Mme *** s’habille, noue avec toutes sortes de lenteurs les rubans de son chapeau, met et remet ses gants, explique à son mari avec de grands gestes pourquoi elle sort, regarde en l’air, appelle de l’œil, descend l’escalier, se montrant longuement aux fenêtres des paliers, passe sous la porte cochère.

Je me jette à sa suite. Je vois sa robe grise et son mantelet noir tournant au coin de la rue Olivier. Je marche un assez long temps derrière elle, puis ramassant tout mon courage, je la dépasse, reviens