Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/110

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siècle, mais dans la robe, la collerette, la manchette de la semaine.

Valentin me racontait que, dans les premiers temps de son séjour à Paris, il était arraché de son lit, par la curiosité d’aller voir, place de la Bourse, aux vitrines d’Aubert, la lithographie du jour de Gavarni.

20 août. — Léon est venu aujourd’hui déjeuner, il est resté jusqu’à cinq heures. Edmond et lui ont ainsi parlé six heures durant de choses passées, du passage Choiseul, où leur jeunesse à tous deux a usé ses bottes, d’une Marie qui les a trompés successivement l’un avec l’autre, des suprêmes de volaille aux truffes de Véfour, de parties de billard arrêtées par la dernière pièce de vingt sous de la bourse commune, du prunier de Reine-Claude de la maison de l’allée des Veuves, de la première polka d’Edmond, de la promotion de Léon à l’École polytechnique. Six heures pendant lesquelles ils se sont raconté ce qu’ils savaient déjà, l’un contant à l’autre sa propre histoire ; tout cela scandé à tout moment par : « Tu te souviens bien ? » Et ce passé n’est ni bien intéressant, ni bien gai, ni bien dramatique. Pourquoi donc ce charme de ces radoteries vieillottes ?

Août. — Le boulevard de Strasbourg aujourd’hui a l’apparence de la grande artère d’une Californie improvisée. Toutes sortes d’industries logées dans