Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/121

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6 septembre. — Au cimetière Montmartre… Rien ne vous décourage de l’immortalité comme ce spectacle de la mort. On se sent là gagné de l’indifférence pour la survie de son nom. Ce champ de tombes prêche le dénouement de la volonté… Une mélancolie emportée bientôt par les niaiseries de la douleur bourgeoise. Je vois la tombe d’un fils, que le père a eu l’idée d’entourer de deux étages de sonnettes percées de petits trous, qui doivent, par les grands vents, bercer le mort de leur musique éolienne… C’est beau tout de même cette nécropole polonaise, sur laquelle toutes ces âmes, veuves de la patrie, ont jeté ce cri posthume : Exoriatur nostris ex ossibus ultor… Puis le marquis de Bouillé à côté d’Alcide Tousez, les jeux de la Mort et du Hasard. Un cimetière, rien ne ressemble plus au pêle-mêle d’une collection d’autographes !

— Un rêve de Deshayes, le peintre. Il lui tombait une commande pour un endroit vague et lointain, ainsi que cela se passe dans les songes. Pas de voiture, pas de moyens de communication d’aucune sorte. Il avise une poule dans la rue. Il se disait parfaitement que ce serait ridicule, si on le voyait sur une poule, mais, tant pis, il la lâcherait avant d’arriver. Et le voici enfourchant la poule qui l’emporte en voletant. Mais, à tout moment, le chemin se séparait en deux, et il était forcé de descendre et de le raccommoder. Le matin il se levait tout courbaturé.