Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/126

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M. Hippolyte Passy, un vieillard chauve, quelques cheveux blancs aux tempes, un petit œil, vif, brillant, allègre. Bavard avec délices, il parle toujours et de n’importe quoi, avec un organe zézayant, un débit pressé, une pensée nette. C’est la science universelle. Il a tout lu, tout vu, et vous dira comment se fabrique un ministère ou un cordon de soulier.

Avec cela, une grande affectation d’indépendance de l’opinion consacrée, des théories reçues, des principes adoptés, et ne voyant dans les formes gouvernementales quelconques d’un pays que des formes diverses de corruption et de vénalité. Et une admirable mémoire lui fournissant un arsenal pour la démolition des illusions et des prétendus dévouements, mémoire servie par une ironie bonhomme, et un sourire de vieil homme revenu de tout, et qui appelait Louis-Philippe : le papa Doliban de la chose. En ce scepticisme de tout l’individu, et au milieu des ruines de toute foi à quoi que ce soit, ô ironie ! la croyance ingénue à l’amélioration morale des populations, et la croyance au talent des économistes.

Ne reconnaissant, n’appréciant que l’utile, contempteur de l’art et de ce qui l’accompagne, et ne voulant voir dans les expositions de l’industrie que les eustaches à cinq sous.

Acharné railleur de la religion, et comme toute cette génération, dont la Pucelle fut la nourrice, inépuisable en voltairianismes, en malices de petit journal contre le gouvernement de Dieu, sa charte (la Bible), ses ministres responsables.