Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/159

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— Ces jours-ci, la mère de notre ami Pouthier, reprochant à son fils de n’avoir encore ni une situation, ni une carrière, ni un gagne-pain, terminait son sermon maternel par cette phrase admirable : « À ton âge, j’étais déjà mère ! »

Mercredi 27 août. — Ces jours-ci, Edmond a eu une esquinancie, pendant laquelle, lorsqu’il fermait les yeux, et sans qu’il dormît, se dessinaient sur sa rétine des visions de rêves. Il se trouvait dans une chambre tendue d’un papier tout ocellé des yeux d’une queue de paon, et sur ce papier, comme illuminé d’une lumière électrique, bondissait, dans une élasticité dont on ne peut se faire une idée, une levrette héraldique faite en ces copeaux rubanés qu’un rabot enlève sur une planche.

3 septembre. — À faire une pièce en un acte : le Bal masqué. Trouver un comique nouveau.

21 septembre. — Il tombe chez nous. Il vient d’hériter de 1,400,000 francs d’une vieille dame dont il était le filleul. Un premier testament lui donnait 100,000 francs (le chiffre de ses dettes) ; un second, 300,000 francs ; enfin, la succession ouverte, un troisième testament, découvert sous le fauteuil dans lequel vivait, le jour et la nuit, la mourante d’une maladie de cœur, lui donne toute la fortune. C’est une joie encore étonnée, une stupeur, pour ainsi dire, de cet éboulement de bonheur.