Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/168

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la main de l’Empereur, la main de l’Impératrice, la main de Mgr Affre, tué sur les barricades, enfin la main de Mme de Pompadour, qui semble jointe aux autres mains, pour les filles qui font antichambre dans cette salle à manger, et viennent y acheter de l’espérance.

À la glace est fichée une pancarte contenant tout ce qu’on peut demander : Talismans, thèmes généthliaques, horoscopes, etc., etc.

Une porte s’ouvre, et un homme paraît, à la grosse tête carrée, aux gros traits, aux grosses moustaches, à la forte figure des portraits de Frédéric Soulié ; il est en robe de chambre de velours noir, aux grandes manches pendantes d’astrologue. La chambre est noire ou à peu près, avec un jour venant du haut de la fenêtre et traversant des vitraux de couleur, un jour étrange, prismatique, tombant et dansant dans cette pénombre fourmillante de choses que l’œil tâtonne et ne peut saisir, et parmi lesquelles il distingue cependant vaguement un hibou blanc. Une table sur laquelle une filtrée étroite de jour descend, comme dans un tableau de Rembrandt, vous sépare du diseur de bonne aventure.

— En quel mois êtes-vous né ?

— Quel âge avez-vous ?

— Quelle fleur aimez-vous ?

— Quel animal préférez-vous ?

Il dit cela, remuant un paquet de cartes hautes d’un pied où sur chacune est une représentation d’une femme, d’un épisode de l’existence : toutes ces allégories dessinées par une main ignare du dessin, mais