Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/173

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une commode, et Thiers s’amusait, pendant une partie de la soirée, à les démolir avec des boulettes de mie de pain. Ainsi il préludait aux récits des batailles de l’Empire.

Mais bientôt, ajoute Barrière, le petit appartement d’un pauvre homme de lettres ne put plus contenir le politique, en train de prendre son essor.

12 décembre. — À propos de la vente d’estampes du XVIIIe siècle (vente Delbergue), sur la polissonnerie de laquelle M. Thiers a tant débagoulé, le vieux Delécluze contait à Vignères, que lui et sa sœur avaient été élevés jusqu’à l’âge de quatorze ans, dans une chambre où il y avait aux murs : les « Quatre parties du jour » de Baudouin, sans que jamais ces images leur eussent fait songer à mal. Et dans la salle à manger était encadrée l’Escarpolette, de Fragonard, qu’on lui avait dit représenter une femme qui avait le cauchemar. Certaines pudeurs sont des questions de mode et de temps.

25 décembre. — Gavarni est en train de tripoter des eaux-fortes avec Bracquemond, d’essayer à la pointe sur le cuivre une série de célébrités, parmi lesquelles il nous fait voir un Balzac d’un admirable travail…

La journée finie, nous allons, tous les quatre, dîner dans un bistingo, à la porte d’Auteuil.