Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/212

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grandeur sur l’ongle de son pouce. Je lui pris la main, elle commençait à être froide. L’expression de ses yeux était comme un grand étonnement… La main devint glacée… C’était fini… J’ai voulu user ma douleur… Je ne suis pas sorti d’ici… Je n’aurais jamais pu y rentrer. »

Après un silence :

— « Pour cet enfant… c’était une manie, une toquade… J’avais toujours peur… Quand je revenais, en descendant de gondole, mes yeux se portaient aux fenêtres de suite… Je craignais toujours voir un accident, un attroupement, je ne sais quoi… Oh ! oui, c’était une toquade… Ah ! maintenant, ça a un bon côté ! On peut crier, la maison peut brûler : j’ai un qu’est-ce que ça me fait… tout à fait sublime. Je peux même me casser le cou…

Et sa parole s’arrêta. Nous faisons un tour dans le jardin.

— Dites donc, Gavarni, c’est bien nu là, entre les arbres ?

— Ah ! ça !… Maintenant, qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ? C’était le jeu de ballon de mon enfant.

Il nous avait dit avant de descendre :

— Vous pensez bien, il faut que la pension (il avait loué sa maison à une pension pour n’être point séparé de son fils) ; il faut que la pension s’en aille à présent… J’ai dit à cet homme que s’il voulait partir avant quinze jours, il n’y avait pas d’argent à me donner. »