Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/211

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dont les colons n’auraient que les dehors à notre portée, mais l’âme à cent lieues de la nôtre.

— J’ai connu une petite fille de quatre ans à laquelle un monsieur avait l’habitude de baiser la main. Aussitôt qu’elle le voyait traverser la cour, elle montait vite, vite, dans la chambre de sa gouvernante, se lavait les mains à la pâte d’amandes, et redescendait au moment où le monsieur entrait au salon.

— Le jour où tous les hommes sauront lire et où toutes les femmes joueront du piano, le monde sera en pleine désorganisation, pour avoir trop oublié une phrase du testament du cardinal de Richelieu : « Ainsi qu’un corps qui auroit des yeux en toutes ses parties, seroit monstrueux, de même un État le seroit, si tous les sujets étoient savants. On y verroit aussi peu d’obéissance que l’orgueil et la présomption y seroient ordinaires. »

5 juillet. — Été voir ce pauvre Gavarni qui a perdu son fils Jean, pendant notre absence. Nous le trouvons frappé en plein cœur et, selon son expression, « découragé de faire et de continuer à être ».

— M. Andral, nous dit-il, l’avait vu la veille et n’avait trouvé rien d’alarmant. Le matin, à un moment, il fixa les yeux sur les miens, sans me voir sans doute, mais avec des yeux grands comme je n’en ai jamais vu… la pupille était comme ça… Et il nous montre la