Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/257

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l’homme qui se cache derrière cette plume révoltée, et de la tendresse et de la sensibilité de ce rude pamphlétaire. Et après des gros mots des uns et des autres contre l’Église, il arrive que quelqu’un cite cette parole de Montrond, le viveur, l’ami de Talleyrand, auquel un prêtre demandait à son lit de mort, s’il avait blasphémé l’Église : « Monsieur le curé, j’ai toujours vécu dans la bonne compagnie ! »

— Les sociétés commencent par la polygamie et finissent par la polyandrie.

20 mai. — Alors que nous étions sur le quai de la Rapée, il y avait, devant un petit poste, des militaires qui faisaient l’exercice, comme des soldats de bois sur cette espèce de herse avançante et reculante qui amuse les enfants. En face du peloton, à l’ombre des arbres, les coudes sur la terre et les mains au menton, de grands voyous hors d’âge, mystérieux comme des sphinx, le regard immobile, voilé et dormant, regardaient la troupe travailler, ainsi que des voleurs étudieraient une porte à crocheter, — semblant vouloir voler la charge en douze temps pour des journées futures.

27 mai. — Un éclat de rire que l’entrée de Maria, une fête que son visage. C’est, quand elle est dans la chambre, une grosse joie et des embrassades de campagne. Une grasse femme, les cheveux blonds, crespelés et relevés autour du front, des yeux d’une