Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/260

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— sympathique après tout, et même vous attristant de pitié.

Un homme rempli d’histoires qu’il tire comme de tiroirs, et qu’il raconte sans chaleur et avec le même accent, ainsi qu’il lirait un procès-verbal. Sans goût littéraire, mais fureteur sagace, intelligemment curieux, le seul homme, à l’heure présente, qui dans la presse soit un chroniqueur un peu universel, un peu informé de ce qui court, de ce qui se dit, de ce qui se fait, le seul ayant des oreilles autre part que dans le café du Helder et dans le petit monde des lettres, sur la pointe du pied, à la porte entre-bâillée du monde, et de tous les mondes, du monde des filles au monde de la diplomatie, écoutant, pompant, aspirant ce journal de la vie contemporaine qui n’est nulle part imprimé, à la piste de tous les moyens d’information, ayant essayé par exemple, nous dit-il, de donner des dîners où il faisait asseoir toutes les professions à sa table, espérant que chaque spécialité se confesserait à l’autre, et que toute l’histoire intime et secrète de Paris débonderait au dessert, de la bouche du banquier, du médecin, de l’homme de lettres, de l’homme de loi.

« Savez-vous, nous dit Lecomte, pourquoi Véron a vendu sa collection ? Il se figure que ça va finir demain ou après-demain, et comme il se croit un des grands auteurs du 2 décembre, une tête à prix, il se figure que tout chez lui sera mis en miettes, et il a tout vendu. Il n’a plus qu’un lit, un fauteuil et sa malle. »