Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/261

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— On nous conte, en tournant dans cet insipide manège de Mabille, un beau mot de fille. Il appartient à Mlle A. C… En soirée un monsieur lui propose de la reconduire. Elle dit : « Oui. » À un second, elle dit : « Peut-être. » À un troisième, elle est forcée de dire : « Impossible ! » À un quatrième, n’y tenant plus, elle s’écrie : « Sacré cochon de métier, où l’on ne peut pas prendre des ouvrières ! »

Dimanche 13 juin. — Le soir, après dîner, dans le jardinet de Charles Edmond, sur la petite terrasse contre la ruelle menant aux champs, Saint-Victor et nous, nous évoquons le passé, remontant aux Grecs et aux Latins, faisant de nos souvenirs de classe, jaillir les étincelles et les rapprochements, appréciant et commentant le latin de Tacite, le latin de Cicéron, le latin de M. Dupin. Puis la conversation s’élevant peu à peu, atteint, comme un ballon qui aurait jeté tout son lest, ce panthéon de lumière et de sérénité, cette haute demeure où la place est marquée pour tous ceux qui conservent ou augmentent la patrie, ce temple de l’astronomie antique, cette architecture d’un supra-monde que nous ouvre le Songe de Scipion l’Africain, quand détonne dans la grande évocation, un rappel du présent, le : « Ohé, les petits agneaux ! » beuglé dans la ruelle…

Saint-Victor a une grande histoire en tête, et déjà commencée : « les Borgia », toute l’Italie et la Renaissance. Un beau livre ! Puis se livrant à nous, ses copains politiques et artistiques, selon son expression,