Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/269

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femmes, il fait ses maîtresses à tour de rôle. L’après-demain, survient un de ses amis qui lui dit : « Tu es heureux, toi seul as des femmes ! — Et toi du madère ! répond Penguilly. Eh bien ! donnant donnant, je t’échange une de mes femmes contre dix tonnelets de madère. » L’échange fut fait.

Moscou évacué, voici Penguilly, chargé par le maréchal je ne sais plus qui, de ramener dans sa voiture deux actrices de la troupe française. Un cheval meurt, puis deux, puis trois, puis plus de calèche. Les deux femmes alors hissées sur un cheval que Penguilly trouve par un heureux hasard à acheter. Et l’une des deux prise de dyssenterie et attachée avec des cordes sur le cheval. Enfin l’agonie de la femme, disant au moment de mourir : « Penguilly, en cas de mort tout le monde peut baptiser et donner l’absolution », et elle le force à écouter sa confession. Elle était la fille d’un marchand du faubourg Saint-Antoine, enlevée à 13 ans, et ayant promené sa vie amoureuse dans les quatre coins du monde. Et sa confession faite, elle lui donnait sa bourse pour qu’il fît dire des prières à la première ville. En Pologne, Penguilly lui faisait faire un service, et il reçoit encore, tous les ans, une lettre de remerciement de la survivante.

26 septembre. — Bar-sur-Seine. — On vendange. Une côte caillouteuse montant dans le ciel implacablement bleu, toute grise et toute violette : d’un gris de perle dans la lumière, d’un violet de fleur