Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

rature, la chose faite ne vous tient plus aux entrailles. L’œuvre que vous ne portez plus, que vous ne nourrissez plus, vous devient pour ainsi dire étrangère. Il vous prend de votre livre une indifférence, un ennui, presque un dégoût. Ç’a été notre impression de tous ces jours-ci.

Vendredi, 28 janvier. — Gavarni tombe chez nous à la fin du dîner ; il n’a pas faim, il vient de déjeuner : il est sept heures. C’est bien lui, un esprit qui ne prend plus aucune jouissance par la guenille matérielle, et qui n’a, en ce moment, de plaisir, de récréation à son terrible labeur, que lorsqu’il a la conversation d’un de ces gens qu’il appelle les riches, les êtres pleins de faits, comme Guys, Aussandon, etc., ces originaux complexes qui sont un résumé et un assemblage d’un tas de choses, ces hommes au langage concret, dont la vie, selon la phrase du dessinateur, « se passe à être un objet d’étude et de jouissance pour l’intelligence de ceux qui boivent avec eux, et cela sans qu’il reste rien de cela dans une œuvre écrite ou peinte ». Gavarni ne dîne-t-il pas dans ce moment à la Poissonnerie anglaise, absolument parce que le maître du restaurant lui révèle les différents trucs avec lesquels les filous volent dans les cafés ?

Il nous dit que la géométrie devrait être la forme des choses dans l’espace. Il nous parle des choses qui, n’ayant que deux qualités, comme la fièvre ou la musique : l’intensité et le temps, — marqués par