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paresse du corps qui devient plus forte, à mesure que ma pensée s’active. »

— Monsieur Guillaume ?

À cet appel du garçon, Gavarni se lève, nous serre la main. M. Guillaume, c’est le nom sous lequel on le connaît à la gondole.

17 février. — Je suis dans une pièce au rez-de-chaussée, où deux fenêtres sans rideaux versent un jour cru, et laissent voir un jardinet pelé, aux arbustes maigres. Devant moi une grande roue, et sur la roue le bras nu d’un homme, la manche relevée ; à côté, le dos d’un autre homme en blouse grise, encrant et chargeant une planche de cuivre sur la boîte, l’essuyant avec la paume de sa main, la tamponnant avec de la gaze, la bordant et la margeant avec du blanc d’Espagne ; aux murs deux caricatures au fusain attachées par des épingles ; dans un coin un vieux coucou qui semble respirer bruyamment chaque seconde de l’heure ; au fond, au milieu de grands cartons debout sur deux rayons, un poêle en fonte, au pied duquel est aplati un chien noir dormant et ronflant.

Et, à tout moment, les carreaux tintent, et trois enfants joufflus, comme des derrières d’anges, collent leurs visages aux vitres, et, à tout moment, la porte s’ouvre et les trois enfants roulent dans les jambes de l’homme qui prépare la planche, et ressortent.

Et moi, sur ma chaise, j’attends avec l’émotion d’un père qui attend un héritier ou rien. C’est ma