Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/320

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et Flaubert de blaguer un peu grossement, ainsi qu’il en a l’habitude : « Le théâtre n’est pas un art, s’exclame-t-il, c’est un secret… et je l’ai surpris chez les propriétaires du secret. Voici ce secret. D’abord il faut prendre des verres d’absinthe au café du Cirque ; puis dire de toute pièce : Ce n’est pas mal, mais… des coupures, des coupures ! ou encore répéter : Pas mal !… mais il n’y a pas de pièce ; — et surtout toujours faire des plans et jamais de pièces. Au fond, quand on fait une pièce, on est f….. Voyez-vous, je tiens le secret d’un idiot, mais qui le possède de La Rounat. C’est lui qui a trouvé ce mot sublime : Beaumarchais est un préjugé !… Beaumarchais ! du phosphore… Ah ! les cochons, qu’ils me trouvent seulement le type de Chérubin ! »

La causerie se promène sur les uns et les autres de notre monde, sur la difficulté de trouver des gens avec lesquels on puisse vivre, et qui ne soient ni tarés, ni insupportables, ni bourgeois, ni mal élevés. Et l’on se met à regretter ce qui manque à Saint-Victor ; on en ferait un si joli ami, de ce garçon à l’expansion de cœur auquel on n’arrive jamais, quand même on est arrivé à sa plus entière expansion d’esprit, de ce garçon qui, après trois ans de relations d’amitié, a des glaces subites et des froideurs de poignées de main comme pour un inconnu. Flaubert explique l’homme par son éducation, disant que ces trois éducations, ces trois institutions de l’homme : l’éducation religieuse, l’armée, l’école normale, marquent d’un cachet indélébile l’individu.