Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/348

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Barthélemy et que Voltaire aurait eu la fièvre. Parfaitement ! fait Flaubert sur une note théâtrale. Et voici Saint-Victor et Flaubert à déclarer Voltaire, le plus sincère et le plus ingénu des apôtres, et nous, à nous regimber de toute la force de nos convictions. Ce sont des éclats de voix, des cris, des vociférations. — Un martyr… en exil une partie de sa vie ! — Oui, mais la popularité ? — Une âme tendre… l’affaire Calas. — Eh ! mon Dieu, c’est l’affaire Peytel de Balzac. — Pour moi, c’est un saint ! beugle exaspéré Flaubert. — Vous qui êtes un physiologiste, vous n’avez donc jamais regardé la bouche de cet homme-là ? — Quant à moi, dit Gautier, cet homme, je ne peux pas le sentir, je le trouve prêtreux, calotin, c’est le Prud’homme du déisme, oui, pour moi, voilà ce que c’est : le Prud’homme du déisme. »

La discussion s’éteint un moment, puis reprend autour d’Horace, quelques-uns veulent retrouver Béranger, et dont Saint-Victor vante la pureté de la langue, langue que Gautier trouve bien inférieure à l’admirable langue de Catulle.

Et nous voici arrivés à la question de l’immortalité de l’âme, cette causerie forcée, après un bon dîner, entre intelligences supérieures.

« C’est inadmissible, dit Gautier, vous figurez-vous mon âme gardant la conscience de mon moi, se rappelant que j’ai écrit au Moniteur, quai Voltaire, 13, et que j’ai eu pour patrons Turgan et Dalloz… » Coupant Gautier, Saint-Victor jette : « L’âme de M. Prud’homme, on ne se l’imagine pas, n’est-ce pas,