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— Dans la langue de la bourgeoisie, la grandeur des mots est en raison directe de la petitesse des sentiments.

Décembre. — La plus grande force de la religion chrétienne, c’est qu’elle est la religion des tristesses de la vie, des malheurs, des chagrins, des maladies, de tout ce qui afflige le cœur, la tête et le corps. Elle s’adresse aux gens qui souffrent. Elle promet des consolations à ceux qui en ont besoin, l’espérance à ceux qui désespèrent. Les religions antiques étaient les religions des joies de l’homme, des fêtes de la vie. Depuis, le monde est devenu vieux et douloureux. C’est la différence d’une couronne de roses à un mouchoir de poche : la religion chrétienne sert quand on pleure.

— Les gens qui ont beaucoup roulé dans la vie, et dans des positions subalternes, sont effacés, usés comme de vieux sous. Même sur les catastrophes qu’ils voient, qu’ils entendent, ils semblent avoir les sens de l’âme émoussés comme leurs physionomies et leurs personnes. Leur jugement n’a plus de vivacité, d’indignation, de colère. Ils sont affectés des choses comme de loin.

18 décembre. — Nous nous décidons à aller porter, ce matin, la lettre que nous a donnée, sur la recommandation de Flaubert, le docteur Follin pour M. Edmond Simon, interne dans le service de Vel-