Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/364

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très adultes ou mariées, nourrissant des tendresses secrètes pour eux.

Il nous conte une journée chez Mme Waldor, qui les avait invités, Gavarni, Chandellier, Mlle Aimée, à visiter sa maison de campagne à Saint-Ouen. Or la maison de campagne était deux chambres louées dans un bâtiment de blanchisseur, et qui n’avaient pour perspective que les murs de la cour et le linge qui y séchait. On y déjeunait, on y dînait, et ma foi, on trouvait tant de charme à la singulière villégiature, qu’on passait la nuit à causer : les deux hommes assis sur des chaises, les deux femmes couchées sur le lit. Les rafraîchissements étaient, en tout et pour tout, un punch qu’on allongeait avec de l’eau, que Chandellier dut aller chercher à la Seine, en se livrant à toutes sortes de singeries amusantes.

Chandellier : c’était le grand dérideur de Gavarni, qui nous raconte, en riant encore aux larmes, qu’un jour Mme Hercule se plaignant d’un échange qu’elle avait fait d’un gril et d’une guitare, contre une fausse queue qu’on lui avait assurée être de la couleur de ses cheveux et qui n’en était pas, au milieu de mille lazzis, Chandellier prenant la queue des deux mains et l’enjambant, se mettait à galoper frénétiquement autour de la chambre, ainsi qu’un enfant monté sur un cheval de bois.

— Parler pour parler, c’est la femme. Les hommes chantent, quand ils sont entre eux. La femme chante, quand elle est seule, pour parler.