Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/372

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tant… nous n’aurions plus de place pour les autres ! »

Cette scène nous a remués plus que tout ce que nous avons vu jusqu’ici à l’hôpital.

Là-dessus nous allons visiter l’ancienne salle de garde, décorée par les peintres, amis des internes, par Baron qui a représenté les Amours malades, reprenant et rebandant leurs arcs, à la sortie de l’hôpital ; par Doré, qui a composé une sorte de jugement dernier de tous les médecins passés et présents aux pieds d’Hippocrate ; par Français, etc., etc.

Puis nous passons dans la vraie salle de garde, une petite pièce cintrée qui était l’ancienne chambre ardente des prêtres morts. Il n’y a pas de serviettes. On tire d’une armoire deux taies d’oreiller, pour nous en servir.

 

On entend la sonnerie de la chapelle pour un mort, et devant la fenêtre, donnant sur la cour, se dessine le coin d’un corbillard de pauvre qui stationne.

 

Nous retournons à quatre heures pour entendre la prière, et à cette voix grêle, virginale, de la novice agenouillée, adressant à Dieu les remerciements de toutes les souffrances et de toutes les agonies qui se soulèvent de leurs lits vers l’autel, deux fois les larmes nous montent aux yeux, et nous sentons que nous sommes au bout de nos forces pour cette étude, et que pour le moment c’est assez, c’est assez.