Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/381

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degrever. Puis nous voici à errer dans un labyrinthe de corridors, de couloirs qui semblent se resserrer, ainsi que dans un rêve. « La loge no 3, s’il vous plaît ? — Suivez cet homme qui court ! » Nous nous précipitons après un figurant qui saute les marches, quatre par quatre ; nous nous précipitons, passant au galop devant des loges d’actrices entr’ouvertes, et qui ne sont que gaze, rubans, chair toute vive, et qui causent avec des habits noirs penchés sur elles, en des poses de galant marchandage. Puis encore un petit escalier en escargot. Nous frappons à la porte, et nous trouvons, dans une loge toute noire, les deux femmes qui nous attendent, lumineusement blanches, en une pénombre de crépuscule.

De cette grande loge à salon qui est sur le théâtre, on voit les acteurs et les actrices avec leurs sabrures de bouchon et la tache de leur rouge ; on perçoit, quand on danse, le bruit mat des danseuses retombant sur le plancher et le fouettement sec de leur talon contre la cheville ; on entend, quand on chante, le souffleur qui souffle tout haut. De cette loge, les personnages de la scène ressemblent à des peintures en grisaille. La rampe ne leur met son revêtement de jour, sa trame de lumière, que pour le public de la salle.

Et la toile baissée, l’on assiste au ménage de la scène, aux allées et aux venues de l’armée des coryphées, des machinistes, des figurants et des figurantes. Les décors se lèvent lentement du plancher, un danseur en bretelles suisses fait des battements,