Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/39

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Le meilleur des hommes et le marchand le plus paresseux, le plus flâneur, le plus boubouilleur, le plus incapable de tirer un gain d’une chose qu’il vend, — et qui, 365 fois par an, a besoin de voir, autour de son dîner, cinq ou six figures, si ce n’est au moins autour de la table, où, du matin au soir, se vident les canettes.

Il a emménagé avec lui une jeune femme, pas précisément jolie, et qui de temps en temps se dérobe et se cache dans un joli mouvement contourné pour prendre une prise de tabac, mais une jeune femme qui a de paresseuses poses de chatte dans sa bergère au coin de la cheminée, un petit bagout spirituel, une grâce de gentille bourgeoise d’un autre siècle : toute cette douce et tranquille séduction cachant une hystérie très prononcée, qui la fait, presque tous les mois, à un quantième, où elle dit, aller chez elle pour donner son linge à la blanchisseuse, disparaître deux ou trois jours avec un des attablés ordinaires de son amant, — après quoi, elle rentre au bercail et le ménage reprend comme si de rien n’était.

Pouthier, après des aventures à défrayer un roman picaresque, et qui, sans attribution bien fixe dans la maison, est à la fois commis, restaurateur de tableaux, et surtout le patito de la jeune femme, remplit le fond du magasin de lazzis et de tours de force.

Là arrivent, tous les soirs, — car la bière vient du Grand Balcon, et la femme a le don capiteux de produire