Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/70

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elle y entrait pas à pas, et quand elle avait de l’eau jusqu’aux genoux, elle était entraînée par le courant… mais, à demi noyée, elle ne perdait pas toute connaissance ; à un moment, elle avait parfaitement le sentiment que sa tête cognait contre un câble tendu et que ses cheveux dénoués se répandaient autour d’elle, et, quand elle entendit un chien sauter à l’eau, de la Verberie, elle éprouvait l’appréhension anxieuse qu’il ne l’empoignât par un endroit ridicule.

 

Ce fut un petit coup de sonnette vif et court. Il y avait bien des choses dans ce coup de sonnette : un chagrin, une larme, un dépit colère et la modestie de carillon de l’amour qui n’a plus le droit de tapage. Ah ! que de visites de femmes dites d’avance par le coup de sonnette. La première fois que la femme vient se rendre, quelle pudeur, un tout petit tintement ! Et les fois suivantes, la sonnette carillonne, orgueilleuse comme l’amour qui s’affiche. Et, à la dernière visite, pour un peu elle pleurerait.

La porte de la salle à manger ouverte, fermée plus vite qu’on ne peut dire, la portière du salon vivement écartée. Céleste était déjà assise, les mains enfoncées au fond de son manchon, l’œil dur, et raidie dans une pose de pierre.

— J’ai lu votre lettre…. Vous avez bien pensé que je vous demanderais des explications ?

— Je n’ai rien de plus à vous dire que ce que je vous ai écrit.

— Je veux que vous me le répétiez de vive voix.