Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/81

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Il est un petit coin réservé aux enfants, encore plus mangé par la végétation, plus disparu dans la verdure et tout plein de petites armoires blanches semées de trois larmes, qui ont l’air de sangsues gorgées d’encre, et où les parents ont enfermé le doux souvenir des pauvres petites années vécues : livres de messe, exemptions, pages d’écriture, un A B C D en tapisserie, brodé par une mère.

— Se figure-t-on Dieu, au Jugement dernier, Dieu prenant l’arc-en-ciel et se le serrant autour des reins comme l’écharpe d’un commissaire, etc., etc.

— « Ne me parlez jamais habits dans la rue, je ne suis tailleur que chez moi ! » J’entends le tailleur Armand dire cela à Baschet, qui s’était permis, sur un trottoir, de lui demander où en était une jaquette commandée depuis une quinzaine de jours.

Un tailleur, homme du monde, ami des lettres, ayant des opinions, des goûts, des manies artistiques. Chez lui des tapis où l’on entrait jusqu’au ventre, car il proclamait que le tapis était le luxe des gens tout à fait distingués, et avec les tapis une merveilleuse collection de pipes turques qu’il fumait indolemment, orientalement. C’était un dilettante frénétique de musique, parlant de Cimarosa, comparant Rossini à Meyerbeer ; ayant une stalle aux Italiens que Lumley, devenu directeur, lui avait accordée pour ne pas lui avoir réclamé une note de 3,000 francs dans les moments difficiles de sa vie.

Gaiffe l’avait séduit par quelques phrases pittores-