Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/82

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ques sur son orientalisme, et en lui déclarant qu’à ses yeux il était digne en tout point de devenir le souverain des Ottomans. Et tous les jours, à quatre heures, Armand tenait un cercle chez lui, où venaient quelques jeunes gens littéraires du quartier Latin qu’il habillait, et au milieu desquels Gaiffe tenait le haut bout, l’appelant familièrement Armandus, familiarité qui le grisait. Une fois même, Gaiffe daigna écrire un article pour l’Événément, chez lui, — trop heureuse journée pour le pauvre Armand, qui fut presque aussitôt attaqué de la folie des grandeurs.

— Il y a de gros et lourds hommes d’État, des gens à souliers carrés, à manières rustaudes, tachés de petite vérole, grosse race qu’on pourrait appeler les percherons de la politique.

— L’architecte Chabouillet, qui n’a pas l’étonnement facile, me conte aujourd’hui encore, un peu étonné, l’entrevue qu’il a eue ces jours-ci avec le directeur d’un petit théâtre des boulevards, qui l’avait fait appeler pour quelques changements dans sa salle.

— Ça a été intelligemment construit, votre théâtre ! lui disait Chabouillet.

— Ça, un théâtre… ce n’est pas un théâtre, c’est un b…

— Oh ! Monsieur.

— C’est comme j’ai l’honneur de vous le dire… ce n’est pas un théâtre, non, Monsieur, et c’est tout simple… Je donne à mes actrices 50 ou 60 francs