Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/133

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pourtant est bien puissant, le plus grand succès de ce temps-ci… Il a pénétré partout, les femmes, le peuple, tout le monde l’a lu… Ses livres s’épuisent de huit heures à midi… Mais quand j’ai lu ses Odes et Ballades, j’ai été lui porter tous mes vers… Les gens du Globe l’appelaient un barbare… Eh bien ! tout ce que j’ai fait, c’est lui qui me l’a fait faire… En dix ans, les gens du Globe ne m’avaient rien appris.

Saint-Victor. — Nous descendons tous de lui.

Taine. — Permettez, Hugo est, dans ce temps-ci, un immense événement, mais…

Sainge-Beuve, très animé. — Taine, ne parlez pas d’Hugo !… Vous ne le connaissez pas… Nous ne sommes que deux ici, qui le connaissions, Gautier et moi… Mais l’œuvre d’Hugo c’est magnifique !

Taine. — C’est, je crois, maintenant, que vous appelez poésie : peindre un clocher, un ciel, faire voir des choses enfin. Pour moi ce n’est pas de la poésie, c’est de la peinture.

Gautier. — Taine, vous me semblez donner dans l’idiotisme bourgeois. Demander à la poésie du sentimentalisme… ce n’est pas ça. Des mots rayonnants, des mots de lumière… avec un rythme et une musique, voilà ce que c’est, la poésie… Ça ne prouve rien… Ainsi le commencement de Ratbert… il n’y a pas de poésie au monde comme cela. C’est le plateau de l’Hymalaya. Toute l’Italie blasonnée est là… et rien que des mots.

Nefftzer. — Voyons, si c’est beau, c’est qu’il y a une idée.