Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/142

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pas Dieu et qui est plus que Dieu, fait le livre, selon lui, qu’il fallait faire sur Jésus-Christ.

Alors il esquisse un Jésus, fils d’une parfumeuse et d’un charpentier, un mauvais sujet qui quitte ses parents et envoie dinguer sa mère, qui s’entoure d’un tas de canailles, de gens tarés, de croque-morts, de filles de mauvaise vie, qui conspire contre le gouvernement établi, et qu’on a très bien fait de crucifier ou plutôt de lapider : un socialiste, un Sobrier de ce temps-là, un exaspéré contre les riches, le théoricien désespéré de l’Imitation, le destructeur de la famille et de la propriété, amenant dans le monde un fleuve de sang, et les persécutions, et les inquisitions, et les guerres de religion, faisant la nuit sur la civilisation, au sortir de la pleine lumière qu’était le polythéisme, abîmant l’art, détruisant la pensée, en sorte que les siècles, qui viennent après lui ne sont que de la m… jusqu’à ce que trois ou quatre manuscrits, rapportés de Constantinople par Lascaris, et trois ou quatre morceaux de statues, retrouvés en Italie, lors de la Renaissance, soient, pour l’humanité, comme un jour rouvert, en pleines ténèbres…

« Ça c’était un livre, ça pouvait être faux, mais le livre avait sa logique. Il y avait aussi le livre absolument contraire et qui prêtait au moins autant… Mais je ne comprends pas un livre entre l’un et l’autre. »

Lundi 20 juillet. — Chez Magny.