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Deux Italiennes entrent, en soulevant la persienne de la porte donnant sur le jardin, et la princesse se met à peindre l’une d’elles, pendant deux heures, lui donnant à peine quelques minutes de repos. À côté de la princesse, la comtesse Primoli lit silencieusement les Mémoires de Mlle de Montpensier, et derrière la princesse, Hébert lave une aquarelle d’après l’Italienne qu’elle peint.

L’Italienne est gracieusement sculpturale, et montre dans son droit profil et sa fine nuque de bronze florentin, une distinction de race, le style de ces campagnardes étrusques, où reste comme la marque d’un grand passé : femmes qui, tout peuple qu’elles sont, restent des reines de nature. Toutefois en son immobilité et son inexpression de marbre et de modèle, de temps en temps des mots dits en italien par la princesse ou par Hébert, animent, vivifient son visage de jolis sourires spirituels, et lui mettent, un moment, dans la bouche une voix de musique.

Giraud, de temps en temps, jette dans le travail quelque blague, que la princesse rabroue en riant et en grondant.

La femme de chambre apporte un nœud de diamant que la princesse a commandé, ces jours-ci, et en fait voir la beauté, en le détachant sur le noir de son tablier. Giraud de prendre le menton de la femme de chambre, disant sur le ton d’un marquis de théâtre : « Agaçons la soubrette. » Sur quoi la princesse crie : « Allons, vieillard, voulez-vous vous en aller, vilaine