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Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/300

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petite verrue qu’elle avait sur la paupière. On cause santé, et comme quelqu’un fait à la princesse compliment de sa belle santé, elle dit : « Oh ! moi, je n’ai jamais été malade. Sauf une scarlatine, jamais rien de rien, jamais de sangsues, de vésicatoires. Je ne connais que l’huile de ricin et l’eau de Pulna. »

Dans l’omnibus qui nous a ramenés à Sannoy, nous repassions ces trois journées. Nous jugions la princesse. Nous trouvions que peu de bourgeoises mettraient autant de bonne enfance dans leur amabilité. Nous revoyions, dans la princesse, une maîtresse de maison plus attentive aux gens qu’elle invite, et les distinguant plus délicatement, que presque toutes les femmes du monde que nous avons vues jusqu’ici. Nous pensions à cette liberté, à ce charme de brusquerie, à cette parole passionnée, à cette langue colorée d’artiste, à ce sabrement des choses bêtes, à ce mélange de virilité et de petites attentions féminines, à cet ensemble de qualités, de défauts même, marqués au coin de notre temps, et tout nouveaux dans une Altesse, — et qui font de cette femme le type d’une princesse du XIXe siècle : une sorte de Marguerite de Navarre dans la peau d’une Napoléon.

19 août. — La joie de voir bientôt notre pièce jouée, un peu mêlée de tressaillement et d’angoisse, et même cette joie légèrement atténuée par l’approche trop rapide de la réalisation de la chose, qu’on aimerait mieux continuer à sentir devant soi, à sentir à l’horizon.