Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/305

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vrier. C’est un autre particulier que les autres. Rien de réservé, de diplomatique. S’il joue quelque chose, c’est plutôt la rondeur. Il s’invite sans façon à déjeuner chez nous pour le lendemain, cause de notre pièce, des rôles non distribués, du péril de tomber dans le babouin, si nous n’avons pas Mme Plessy, etc., etc.

1er septembre. — Got vient déjeuner chez nous. C’est un acteur qui a fait ses classes et qui a l’air d’arriver de la campagne avec une gaie figure de vicaire de village et de madré campagnard. Il a une gaîté de sanguin, le rire large, ouvert, communicatif.

On sent en lui l’acteur qui voit, qui observe, qui est à la recherche de types, de caractéristiques silhouettes humaines : il nous dit, sans savoir dessiner, jeter très bien le mouvement d’un bonhomme sur le papier. Comme nous lui parlions de la mystérieuse cristallisation du rôle d’un auteur dans la personne d’un acteur, il nous confesse le composer d’abord avec la pensée de l’auteur, en y entrant entièrement, — c’est pour cela qu’il ne crée jamais sûrement un rôle dans une pièce d’auteur mort, car pour lui, avec l’auteur, le rôle meurt. — Il faut qu’il entende l’auteur lire et expliquer le rôle dans son mouvement à lui. Puis, dit-il, quand il a le bonheur de pouvoir raccorder la pensée de l’auteur avec un type vivant qu’il a en vue : c’est fait, il tient son personnage. Dans Giboyer par exemple, son type