Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/306

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vivant a été Jean Macé, avant qu’il fût un homme rangé.

Sur le nom de Mme Plessy prononcé par moi, il nous fait d’elle un portrait de forte mangeuse, d’une femme qui dévorerait un dindon. « Oui, dit-il, après des pièces, elle a des paresses, des langueurs de créole. Tout à coup son œil s’allume et elle s’écrie avec une bouche humide : “Mon Dieu ! que je mangerais bien un peu de bœuf à l’huile !”

« Ah ! vous allez avoir de rudes répétitions, continue-t-il, des répétitions de trois heures, mais il faut cela, voyez-vous. Voilà un joli mot de Mlle Mars ; au milieu de répétitions qui n’en finissaient pas, elle s’écria : “Ça ne m’amuse pas plus que vous autres, mais je ne vomis pas encore assez mon rôle !” »

Comme tous les hommes d’un talent moderne et vivant, il a le goût d’écouter dans la rue, sur les impériales des omnibus, et il nous conte ce dialogue entendu par lui, ce dialogue de deux ouvriers, le plus jeune gourmandant le plus vieux : « Elle se fichait de toi, cette femme ! — Je l’aimais. — Mais elle couchait dans le garni avec un sergent de ville ! — Je le savais… cette femme-là, vois-tu, je lui aurais mangé le délivre ! »

Et nous voici avec Got à attendre, aux Français, Thierry qui est allé lire notre pièce à Mme Plessy et essayer de la décider à jouer son premier rôle de mère. Nous attendons en compagnie de ce pauvre Guyard, le lecteur mélancolique de tous les ours, un homme si attristé de toutes les tragédies infiltrées