Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/339

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en lui disant qu’il sait bien que ce qu’on siffle, n’est pas notre pièce ; et que nous sommes résolus à attendre que le gouvernement nous interdise.

Ce soir, grâce aux chaudes amitiés d’inconnus amenées par ces inimitiés furieuses et sans raison, la représentation est un triomphe. Au moindre sifflet la salle se lève tout entière et demande l’expulsion de l’interrupteur. Après ce succès, nous sollicitons, auprès de Thierry, encore une représentation ; il nous répond qu’il ne peut nous la promettre.

Eugène Giraud nous dit ce soir dans les coulisses que la princesse a reçu des lettres anonymes affreuses à propos de notre pièce, lettres lui promettant que la première torche serait pour son hôtel…

Je remarque que ma date de naissance est toujours marquée par un événement fatal dans notre vie : aujourd’hui c’est la suppression de notre pièce ; il y a une dizaine d’années, notre poursuite en police correctionnelle avait lieu à propos d’un article paru le 15 décembre.

17 décembre. — Il faut beaucoup pardonner et nous pardonnons beaucoup à Thierry, ce directeur pris entre la cabale et ce gouvernement, le plus lâcheur de tous les pouvoirs. Augier ce soir chez la princesse nous disait la phrase inqualifiable, et sournoisement diplomatique que le maréchal Vaillant laissait tomber sur le malheureux, cherchant une règle de conduite : « Monsieur, je vous regarde et je vous juge ! »

23 décembre. — J’ai reçu, ces jours-ci, une lettre