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accent d’humanité de 1788, qu’il ne pouvait comprendre que, sur le trône, on ne fût pas un saint Vincent de Paul ou un Joseph II. « Assainir tout cela, ce serait quelque chose, ce serait le commencement, » a-t-il répété deux ou trois fois… et de ces hauteurs humanitaires et philosophiques, il est vite descendu à causer des petites filles du peuple, qu’il a fort étudiées, nous dit-il, et qui — remarque très juste — ont, à la puberté, deux ou trois ans de folie, de fureur de danse, de vie de garçon, jetant ainsi leurs gourmes et leurs bonnets par-dessus les moulins : après quoi elles deviennent rassises, rangées, femmes d’intérieur et de ménage.

Aujourd’hui dînait Nieuwerkerke… Il nous rattrape en sortant, et nous emmène fumer un cigare en ses appartements du Louvre. Dans une vitrine placée au milieu d’une fenêtre, il nous fait voir sa collection particulière, une réunion de cires des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, petits médaillons momifiés, petites figures cadavériques, effrayantes à la façon de petits morts et de petites mortes.

Puis ouvrant, l’un après l’autre, quatre grands cartons, sur lesquels est écrit : Soirées du Louvre, il fait défiler devant nous, toutes les caricatures du Paris illustre : ministres, généraux, magistrats, artistes, écrivains, aquarellés le soir, à la lampe, par Eugène Giraud, et rendus avec un modelage merveilleux, les coups de gouache les plus lumineux, des ironies de dessin toutes spirituelles, — des grossissements accentuant, outrant, pour ainsi dire, la ressemblance des gens.