Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/169

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heures en plein soleil, avec son panier, son marteau et son ciseau à froid, et accompagné de son fils, un petit blondin aux cheveux de la nuance du chanvre, le ventre couvert d’un tablier de cuir, qui en fait comme un Amour en sapeur.

Feydeau a toujours une vanité ingénue qui lui sort de tous les pores, mais tout à fait inoffensive. Il nous conte, du plus grand sérieux du monde, qu’il éprouve un certain ennui de finir son roman, tant il est attaché à ses personnages… Au milieu du développement de son ennui, un coup de sifflet dans la falaise : c’est Mme Feydeau qui arrive avec un pliant, toute charmante en sa fleur de beauté, et délicieusement coiffée d’une de ces coiffures du Directoire, qui ont l’air d’en faire une fille de Mme Tallien.

3 septembre. — Entre nous deux, il n’y a pas d’autre froissement, d’autre choc de nervosité agacée, que ceux produits par l’angoisse souvent désespérée de la carrière littéraire et de la production du livre. Cela nous jette dans des tristesses irritées contre nous-mêmes, et qui rejaillissent quelquefois, de l’un sur l’autre, en mutuelle amertume. Cela arrive, quand le travail ne va pas, quand il y a de l’impuissance à rendre ce que l’on sent, et d’atteindre à cet idéal qui va toujours dans les lettres, en s’élevant et en se reculant de votre plume. Alors de mornes désespoirs, où dans le pessimisme momentané qui pousse les choses à l’extrême, il y a des tentations de sui-