Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/44

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9 mars. — Quand on étudie l’embryon humain dans les grossissements de figurations en cire, et qu’on suit, de la tache embryonnaire à l’enfant, le développement de l’être, il semble que l’on ait devant soi la racine, le germe de deux arts : l’art du Japon, l’art du moyen âge.

Ce qui commence à baigner dans le liquide amniotique, l’embryon de quelques semaines, cette espèce de sangsue dressée sur sa queue courbe, est une vraie chimère qu’on dirait taillée dans du jade, dans une amalgatolithe rose. Il y a de la fantaisie baroque de monstre dans cette tête grotesque et terrible, où la forme sort d’un trou et d’une enflure, où la bouche s’ouvre dans le rinceau d’un mascaron, où les petits yeux jaillissent des tempes comme deux petites perles de verre bleu.

Puis cela devient cette espèce de petite taupe hydrocéphale, à la chair mamelonnée et tuberculeuse. Le fœtus enfin, dessine l’être créé et le laisse apparaître : la tête n’écrase plus les membres, le corps se fonde et s’établit ; et voici, à quelques mois, l’enfant à peu près tel qu’il doit naître. On le voit, dans la coupe verticale de l’utérus, comme ces figures incrustées et pliées dans le cadre des médaillons d’un chœur de cathédrale du XVe siècle.

L’oppression de la pose de ces petits êtres, leur ramassement, les gestes d’instinct de l’enfance dans son premier lit, les ratatinements frileux, les croisements étroits de bras et de jambes, les attitudes inconscientes de sommeil et de prière, cette ébauche