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femme, comme s’il cherchait à mettre la figure du mariage, dans le concubinage.

14 mars. — Aujourd’hui, j’entends pour la première fois, Girardin sortir de ses petites phrases axiomatiques, de ses monosyllabes ironiques, de son mutisme ordinaire.

Il expose son système de la liberté illimitée de la presse, avec une verve froide, une ténacité humoristique, un sang-froid vraiment curieux dans la riposte. Avec son système, il affirme tuer, et l’affirmation me semble juste, deux partis sur trois dans l’opposition : les journaux légitimistes sombrant dans le nombre des feuilles paraissant, et l’orléanisme mourant de ce qu’il n’a plus rien à demander ; — l’orléanisme auquel il porte par là-dessus un coup tout à fait mortel, en faisant racheter par le gouvernement les charges de notaires, d’avoués, d’agents de change, et de toutes ces fonctions privilégiées, faisant des charges libres et accessibles à toute la jeunesse, qui est le grand appoint du parti. Quant au républicanisme opposant, il lui semble que la demi-liberté dont il jouit, fait parfaitement son jeu, et il se demande si l’immense diffusion de l’hostilité ne lui nuirait pas. En somme, c’est l’idée de l’innocuité du poison pris à haute dose.

Tout cela, cette théorie qui peut paraître une utopie, exposée sans grands mots, très pratiquement, avec des comparaisons comme celle-ci, sur