Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/111

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L’œil du Parisien, aujourd’hui, n’est plus qu’aux étalages des choses susceptibles d’être mangées, aux étalages des produits avec lesquels on triche avec l’alimentation des jours ordinaires. Et devant l’annonce d’un de ces produits, c’est un curieux spectacle que l’étude d’un passant, en son indécision, en ses combats intérieurs, qui se témoignent par le déplacement d’un parapluie d’un bras sous l’autre, ses en allées et ses retours. J’étudiais au passage Choiseul ce manège d’un assiégé devant un tout nouveau produit, dont l’usage connu, et peut-être des souvenirs personnels, l’arrêtaient dans son désir de le faire servir à sa cuisine. Un moment le préjugé l’avait emporté, il était parti, il avait vingt pas… puis tout à coup, une volte, et revenant sur ses pas, il est entré fiévreusement dans la boutique de pâtisserie acheter du beurre de cacao.

Mercredi 26 octobre. — Je vais, voir à l’Officiel Théophile Gautier, qu’on me dit revenu de Suisse.

— « Pourquoi diable, ô Théo ! êtes-vous rentré dans cette sinistre pétaudière ? »

— « Je vais vous expliquer cela », me répondit-il, en descendant l’escalier du journal. « Le manque de monnaie, mon cher Goncourt… oui, cette chose bête qu’on appelle faulte d’argent… Vous savez comment file un billet de douze cents… c’était tout ce que j’avais… puis mes sœurs étaient à Paris, au bout de leur rouleau… et voilà pourquoi je suis revenu. »