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On a enfermé les bas-reliefs de la barrière de l’Étoile dans de grandes boîtes de bois.

Je regarde, en descendant les Champs-Élysées, cet hôtel fermé de la Païva, et je me demande si ce n’a pas été le grand bureau de l’espionnage prussien, à Paris.

Ce soir, au-dessus de la rue Saint-Lazare, au-dessus de la blanche bâtisse de la gare du chemin de fer, un ciel de sang, une lueur cerise teignant jusqu’au bleu noir de la nuit, un spectacle étrange de la nature, un de ces prodiges qui troublaient l’antiquité. L’un dit : « C’est la forêt de Bondy qui brûle ! » Un autre : « C’est une expérience de lumière à Montmartre ! » Un troisième : « C’est une aurore boréale ! »

Mardi 25 octobre. — Du phénomène d’hier soir, je ne sais quelle magie le ciel avait gardée aujourd’hui, quelle coloration électrique ! C’était dans les tons mordorés de l’arbre et dans les tons gorge-de-pigeon de la pierre, je ne sais quoi de théâtral, et l’infini du détail des constructions lointaines, de la bâtisse reculée, apparaissait dessiné, ligné, découpé comme dans la clarté lucide d’un ciel d’Italie. La construction, la stratification des nuages était aussi surprenante, et toute pleine de mirages singuliers. C’est ainsi qu’au delà de Grenelle, Paris se terminait par une chaîne de montagnes avec l’apparence d’un vrai lac à ses pieds : montagnes et eaux faites d’une grande nuée violette aux crêtes d’argent.