Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/365

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Ces jours-ci, je pensais, avec une certaine inquiétude, au caprice qu’avait eu ma cousine, de vouloir boire dans la timbale d’argent, dans laquelle buvait son fils à la pension, et aujourd’hui l’on m’apprenait qu’elle avait recommandé qu’on lui fît son bouillon dans le petit pot de terre qui servait à lui faire cuire la soupe, quand il était tout petit. Ce retour tendre à notre enfance, ou à l’enfance des êtres que nous aimons, je me rappelais combien son obstination chez mon frère, m’avait été douloureuse, lorsqu’il avait commencé à être bien malade, et j’étais tout triste de cela, quand la sœur est entrée dans ma chambre et m’a dit de la part du médecin, d’écrire à la fille de ma cousine, de se rendre près de sa mère.

Hélas ! la dernière personne aimante de ma famille, la femme à la jeunesse, à la vieillesse mêlées à mon enfance, à mon âge mûr, va-t-elle mourir, et le dernier refuge ami et familial, où j’aimais à entendre parler, rabâcher de ma mère, de mon père, de mon frère, va-t-il devenir vide ?

Dimanche 1er octobre. — Ce soir, au dessert, en croquant des noisettes avec des dents absentes, la sœur nous raconte un peu son histoire : c’est vingt-quatre années de garde-malade dans la maison Saint-Augustin de Troyes.

La maison avait abandonné l’hôpital, à cause du frère de Monseigneur ***, un pas grand’chose…

— Qu’est-ce qu’il faisait donc, ma sœur ?