Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les rangs, à voir ces hommes du peuple et ces bourgeois faits soudainement soldats, et prêts à mourir ensemble, on se demande s’il ne se fera pas un de ces miracles qui viennent en aide aux nations qui ont la foi.

Je monte à Montmartre, au Moulin de la Galette, et aux pieds du pittoresque moulin, enguirlandé de lierre courant au travers des têtes antiques de plâtre, je trouve la curiosité de Paris qui se repaît de la batterie de marine, installée dans le sable jaune.

Des hommes, des femmes regardent au loin les grandes fumées blanches, s’élevant du vert des forêts de Bondy, de Montmorency, et au milieu desquelles un village qui brûle, flambe comme le feu d’une cheminée de forge. Pendant que je regarde au loin, une vieille femme qui a conservé un accent de province, me dit : « Est-il possible qu’on brûle tout ça ! » On sent chez cette vieille femme un sentiment manquant absolument à la population féminine parisienne m’entourant : l’attachement à la nature, aux arbres, à tout ce qui a été son berceau.

Je pousse jusqu’à La Chapelle. Sur les sales coloriages des maisons du faubourg Saint-Denis, ce ne sont que des fusils déposés contre les murs ; sous les voûtes moisies et rustiques des grandes portes cochères, ce ne sont encore que des fusils. Tout le monde qui mange ou boit à la porte des cabarets, a un fusil entre les jambes. Des ouvriers, le tablier de cuir au ventre, font jouer devant leurs femmes la batterie d’une tabatière, pendant que, par la petite