Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/56

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porte de la mairie, jaillit un flot de populaire en blouse, brandissant des fusils.

Sur la chaussée se presse et se hâte la fin des déménagements retardataires, que traîne dans des voitures à bras le mâle attelé, que pousse par derrière la femelle. Au milieu s’élèvent d’immenses chariots, avec les tonneaux en avant, les paniers à volaille au milieu, et à l’arrière la literie et les matelas sous une couverture tendue, où sont pelotonnés les femmes et les enfants.

Puis c’est la rentrée verte de tout ce que les champs maraîchers ne doivent pas garder pour l’ennemi : des charrettes de choux, des charrettes de potirons, des charrettes de poireaux, marchant lentement sous un ciel gris, traversé d’un grand zigzag orange ; et sur les trottoirs, et entre les roues des voitures, toute une population de déménageurs et de déménageuses, portant suspendus à leurs personnes les dépouilles du champ ou les baroques débris du logis hors barrière. Je remarque une toute petite fille ayant une paire de bottes à l’écuyère accrochée par une ficelle à une épaule, et portant, de sa main libre, un vieux baromètre doré.

Le soir, je retourne à Montmartre. Je grimpe par ces montées et ces escaliers de ville arabe ; par ces rues étranges, et que la nuit fait presque fantastiques. Cet incendie, ces cieux réverbérés, cet horizon de flammes, tout ce que l’imagination attendait de cet incendie des forêts, tout ce que cherche, à voir, près de l’abreuvoir, la foule piétinante dans l’ombre,