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mées, les pigeons piétinent le pavé, sur lequel aucun vivant ne les dérange. Et en cette absence de vie humaine, les fleurs éclatantes et les coins de jardins fleuris et tout gais sous le soleil, font un contraste étrange.

La route jusqu’à Saint-Cloud continue entre la rangée des maisons aux persiennes fermées, aux boutiques closes, intriguant l’œil du promeneur, par la multitude de choses perdues, dans la précipitation de la rentrée à Paris, et semées sur le pavé. Un petit chausson d’un enfant, chausson tout neuf, me raconte toute une histoire.

Saint-Cloud, avec ses étages de maisons dans la verdure, sous le rayonnement du plus beau jour, fait peur avec son silence : on dirait une ville morte, sous l’azur implacable d’un beau ciel de choléra.

Sur la place, d’ordinaire si peuplée, quelques rares passants, et au plus loin, dans le fin fond des rues, deux ou trois groupes s’entretenant avec des gestes désolés. Les pierres ont, aujourd’hui, ici, comme le recueillement humain des grandes catastrophes.

Dans le parc, le reste de la paille jaune, qui a servi de litière aux chevaux, pourrit autour des grosses pierres, noircies par les feux de la cuisine en plein air des soldats. Des enfants sont en train de casser la barrière verte de la machine à se faire peser, dont les fauteuils ont été enlevés.

Deux ou trois femmes, restées dans les boutiques de la grande allée, frissonnent aux coups de canon de l’exercice. Une d’elles, au visage jeune, aux che-