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bleaux, composés, à tout coin de Paris, par le siège : tableaux que la peinture oubliera de peindre, ou qui seront sentimentalisés par quelque Millevoye du pinceau, comme Protais. Les éclatantes taches et les piquants réveillons, que font sous les arbres des Champs-Élysées, les pantalons rouges, les chemises bises, les croupes luisantes des chevaux, les casques de cuivre aux crins épandus, les faisceaux de sabres accrochés dans les arbres, et, au milieu de cela, un officier habillé de pourpre, flottant dans une grande flanelle rouge, assis sur une chaise, dans une pose à la fois crâne et indolente.

Aux Tuileries, tout le long de la terrasse de l’Orangerie, au bout de ficelles, la montée et la descente de gourdes de fer-blanc, que remplissent, sur le quai, des garçons de marchand de vin, attelés à des haquets, et, dans les arbres poudreux et grillés, des chemises séchant sur les plus hautes branches, avec les apparences, dans ces ramures superbes, d’épouvantails à oiseaux.

 

Par toute la longue et infinie rue de Vaugirard, par toute cette rue à la fois champêtre et industrieuse, rien du caractère guerrier des autres quartiers, devenus tout militaires. Les poules picorent en pleine rue, les chèvres se promènent sur le trottoir, et l’on se croirait dans le Paris d’hier, si un futur prix de Rome n’esquissait pas dans un faux œil-de-bœuf une grande tête de la République, coiffée du bonnet phrygien, et si, de temps en temps,