Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/86

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min de fer dont ils ont fait des bancs, ils plongent leurs cuillers dans la gamelle, posée sur une table improvisée avec une porte arrachée à une clôture. Avec la soupe et le ventre chaud, la gaieté vient, et le rire gamin de la première jeunesse court, de table en table.

Sous une arcade qui porte écrit sur un morceau de bois : État-Major, des officiers font, sur un coin de buffet, leur correspondance, pendant qu’au milieu d’eux, un long et maigre curé, en chapeau rond, fume une courte pipe de bois.

Vendredi 7 octobre. — Au moment où je passe la Seine sur le viaduc, la canonnière s’enveloppe d’un nuage blanc et son terrible coup de canon retentit, répété par les échos des coteaux de Sèvres et de Meudon.

 

Me voici dans l’avenue de Vincennes. L’avenue est fermée, en arrière du rempart, par une formidable barricade, bâtie de dalles de pierres cyclopéennes, et, en avant du rempart, se dresse une enceinte palissadée formée d’arbres tout entiers, avec l’artichaut menaçant de leurs branches épointées. La défense est ici sur une proportion gigantesque, et digne de ce faubourg d’émeute, de ce faubourg Saint-Antoine qui semble avoir mêlé le génie militaire au génie de la guerre des rues.

Passé le rempart, passé l’enceinte palissadée, on marche entre des troncs d’arbres, rognés à ras de