Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/87

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terre, qui étaient les beaux arbres ombreux de l’avenue, et à droite et à gauche s’étend un immense vide, où les maisons démolies ont laissé, dans l’herbe vilainement verte, une tache blanche que surmontent quelques gravats.

Puis les maisons recommencent, des maisons fermées. Une seule est ouverte, la maison d’un forgeron, dont le bruit du marteau est l’unique vie de l’avenue silencieuse… Tout à coup au loin une masse noire et un roulement sourd. Portée sur les épaules de huit gardes nationaux, s’avance une bière, sur laquelle est posé un képi de garde national ; un tambour la précède, et de minute en minute, fait résonner sur la caisse voilée de crêpe, le glas funèbre.

Pauvre Bois de Vincennes avec ses arbres coupés, ses chalets, dont on a enlevé les portes et les fenêtres, un peuple de pauvresses le remplit, armées de hachettes, faisant des ételles qu’elles traînent sur des brouettes et de petits chariots. Et l’on rencontre des rouleuses qui balayent les sentiers perdus, d’une jupe lâche, qu’en remontant, à tout moment, leur main montre attachée, sous le casaquin, par une ceinture rouge. Et comme antithèse à ces amoureuses de grand chemin, deux charmantes femmes assises par terre, à côté d’un élégant officier, jouant avec la marquise de l’une d’elles.

En montant dans l’omnibus de Paris, une jeune fille vient prendre place à côté de moi, elle tient sur son épaule un panache d’argentéa, et remporte