Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/114

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dire qu’il y a deux Hugo : le Hugo de maintenant, un vieil imbécile, prêt à tout laisser faire, et puis il y a le Hugo d’autrefois, un jeune homme plein d’autorité — et il appuya lentement sur cette phrase. — Cet Hugo-là vous aurait refusé net, il aurait voulu la virginité de Dumaine pour sa pièce. » Et le ton sec et autoritaire, dont le second Hugo dit cela, doit faire comprendre à La Rochelle qu’il n’y a au fond qu’un seul Hugo, celui du passé et du présent.

Hugo, ce soir, est surexcité dans son révolutionnarisme, par des choses qu’il ne dit pas. Une dureté implacable monte à sa figure, allume le noir de ses yeux, quand il parle de l’Assemblée, de l’armée de Mac Mahon. Ce n’est plus l’hostilité haute ou ironique d’un homme de pensée, sa parole a quelque chose de l’impitoyabilité féroce de la parole d’un ouvrier manuel.

Dimanche 17 août. — Il y a, ce soir, dans l’antichambre de la princesse, un énorme rouleau de papiers. Ce sont les interrogatoires de Bazaine, laissés là, par Lachaud qui dîne avec nous.

L’avocat affirme, que le duc d’Aumale a pétitionné la présidence, qu’il l’a arrachée, contre toute justice, au général Schramm, que c’est enfin, pour le prince, un moyen de se produire. Si ce que dit l’avocat est la vérité, et ce dont je doute, c’est assez tragiquement funambulesque cette conception d’un prétendant,