Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/150

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que le docteur Tardieu, ayant été visiter une fabrique de potasse, avait été frappé du ton de la chevelure des ouvriers et des ouvrières. C’était le blond flamboyant vénitien. Et le maître de l’établissement disait à Tardieu, que les cheveux de tout son monde devenaient comme cela, au bout de dix-huit mois. La chose racontée à Paris, devant un cercle de femmes, avait fait faire d’abord secrètement, puis ouvertement, des essais, et la potasse était entrée, d’une manière officielle, dans la toilette de la Parisienne, de ces années.

Mercredi 8 juillet. — Je vais passer ma journée chez Alphonse Daudet, à Champrosay, le pays affectionné par Eugène Delacroix.

Il habite une grande maison bourgeoise bâtie dans un petit parc minuscule à la dix-huitième siècle. La maison est égayée par un enfant intelligent et beau, sur la figure duquel, se trouve, joliment mêlée, la ressemblance du père et de la mère. Il y a encore là, le charme de la mère, une femme lettrée, toute effacée dans une ombre de discrétion et de dévouement. On dirait que tout s’est réuni, pour enfermer entre ces quatre murs, cette bienheureuse sérénité bourgeoise des bourgeois, et cependant transperce, par moments, sous la gaîté et la gentille griserie des paroles, un peu de la mélancolie qui habite tout atelier de la pensée.