Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/167

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――――――― À propos d’élections, et des statistiques fournies, ces jours-ci, par de simples gendarmes, j’ai été frappé de la certitude, pour ainsi dire, de la prophétie du renseignement sur les votes. C’est d’autant plus merveilleux, que ces hommes reçoivent la défense d’aller au café, de se mêler à la vie de leurs concitoyens, et qu’il leur est ordonné, en même temps, de savoir ce qu’ils font, ce qu’ils disent, ce qu’ils pensent.

Samedi 10 octobre. — Tout de mon long sur la terre, la joue sur le bras, c’est pour moi un des plaisirs de la chasse au bois, de somnoler, à demi éveillé par le fourmillement de la terre, le susurrement de l’air ensoleillé, les jappements lointains de la meute, dans les profondeurs de la forêt.

――――――― En province, toute puissance de travail se perd, au bout de quelque temps, dans le farniente plantureux de la vie matérielle. Il est arrivé ici un ingénieur, travailleur, grand liseur, qui fût devenu quelqu’un, s’il était resté à Paris. Dans deux ans, il ne fera plus que sa besogne, ne lira plus un livre, perdra la curiosité des choses de l’esprit, deviendra un estomac.